Endossant lui-même le rôle problématique de Shylock, Jacques Vincey fait subir à la plus sulfureuse des pièces de Shakespeare une cure de jouvence… sans rien lui ôter de sa virulence.

À Venise, le marchand Antonio emprunte de l'argent à l’usurier Shylock. Certain de pouvoir le rembourser, il signe un contrat où il autorise son créancier à lui prélever une livre de chair en cas de défaut de paiement… Classée parmi ses comédies, Le Marchand de Venise est sans doute la pièce la plus problématique de Shakespeare : le personnage du juif Shylock lui a valu d’être taxée d’antisémitisme par nombre d’exégètes. Jacques Vincey le reconnaît : mettre en scène Le Marchand de Venise implique de prendre des risques. Et pas seulement, comme ici, en endossant soi-même le rôle à problème, mais aussi en n’hésitant pas à faire faire au texte original des pas de côté pour le recentrer sur ce qui entre en résonance avec le monde d’aujourd’hui : dès l’hilarant prologue donné face public en mode stand-up, l’adaptation / retraduction de Vanasay Khamphommala fait mouche. Dans un décor de supermarché, porté par Vincey, l’impressionnant Thomas Gonzalez (Antonio) et une troupe de comédiens issue pour partie du Jeune Théâtre en Région-Centre-Val de Loire, ce Business in Venice révèle comment l’exclusion et l’humiliation peuvent, inconsciemment, conduire un individu à la folie…