Avec Ligne de crête, Maguy Marin reprend une question de l’économiste et philosophe Frédéric Lordon posée lors d’une conférence intitulée « Au-delà du capitalisme : Où en est le désir des gens ? » et compose une chorégraphie critique de la société de consommation.

Figure incontournable du monde de la danse contemporaine, humaniste, sensible et engagée, la chorégraphe Maguy Marin poursuit depuis plus de quarante ans un travail artistique passionnant et militant qui combine la force des images et le vertige du sens.
Ligne de Crête, créée à la biennale de la danse de Lyon 2018, et présentée en partenariat avec l’Opéra National de Bordeaux, est une échappée belle dans la carrière de la chorégraphe. Un pas de côté pour regarder le monde différemment, inspiré par l’ouvrage de Frédéric Lordon Capitalisme, désir et servitude, Marx et Spinoza.
Au son répétitif amplifié d’une machine industrielle, Maguy Marin se livre avec cette œuvre à une critique virulente de la société de consommation. Séparés par des parois de plexiglas délimitant leurs espaces de travail respectifs, sept interprètes silencieux, concentrés, semblent parfois se comporter comme des automates. Ils se livrent à des gestes répétitifs, accumulent toutes sortes d’objets et grignotent inlassablement des biscuits salés… Alors qu’autour d’eux des posters de Marx, de Freud, d’athlètes américains poings levés aux Jeux de Mexico ou du jeune étudiant devant le char de la Place Tian’anmen semblent les inviter à la révolution des corps. Car elle est là, la ligne de crête sur laquelle dansent les corps. Entre la violence des institutions et les passions humaines. Le geste chorégraphique de Maguy Marin invite à une réflexion profonde sur ce qui, pour chacun, présente un intérêt essentiel, fait écran à nos désirs collectifs de transformation sociale pour tenir debout, pas à pas, et cheminer ensemble sur cette ligne de crête en quête de désir vrai et de libération des corps.