Ali Benmakhlouf, philosophe
En partenariat avec la Librairie Mollat et l’Université Bordeaux Montaigne
Jeudi 4 février à 19h
TnBA - salle Vauthier
L'accès est gratuit et la réservation indispensable au 05 56 33 36 80
Pouvons-nous trouver un havre en forme de silence ? Une échappée belle dans une clairière ? Alors nous pourrions nous empresser de déplier des chaises longues et nous laisserions s’envoler les cerfs-volants au-dessus des arbres à moins que nous nous décidions à courir derrière eux, à quelque distance. Mais il ne faut pas s’y tromper, la nuit nous précède toujours, ce n’est pas un songe mais plutôt une épaisse noirceur, comme une connivence avec les abîmes. Si nous sommes au bord des précipices, nous parvenons encore à les dompter, mais pour combien de temps ? « L’homme n’a point de port » écrivit Lamartine. Il passe comme le temps qui s’écoule à la manière d’une rivière aux accents inconnus. Existe-t-il des refuges dans les arrière-salles, des mondes impeccables où vivre soit une issue et non une crise, où les roses de tous les jardins pourront s’épanouir, à quelque distance de leurs pots et même des jardiniers ? L’époque proclame la crise des authenticités, le déversement des obscurités sur tous les coins de la planète. Là c’est un déchainement de fanatismes, ailleurs un déploiement illimité de marchandises, partout des misères qui augmentent et des pauvretés qui prospèrent. Les inégalités nous replongent au coeur du XIXe siècle tandis que les intégrismes nous ramènent vers le Moyen Âge. Dans les eaux sombres qui ont renversé les digues, l’individu est devenu une valeur précaire, sans attache réelle, sans pouvoir apparent. Pouvons-nous redonner ses lettres de noblesse à une politique de l’individu ? Les raisons d’état, les obscurantismes fanatiques veulent le broyer mais il revient, sans port, à la surface d’une eau sans attaches. « L’homme n’a point de port », c’est pourquoi il peut partir, tenter un ailleurs, ici ou là. Dans l’errance, les bagages ne sont pas utiles. Il faudra, cette Année, faire le portrait sensible et intellectuel de cet homme sans qualités d’aujourd’hui, frêle comme un roseau, mais lui restituer son pouvoir d’être, qui tantôt se réfugie derrière tous les parapets identitaires du monde, tantôt explore des communs, des chemins qui mènent ailleurs. La possibilité de la révolte, c’est la possibilité de l’individu. Mais la possibilité de l’amour, c’est l’impossibilité du renoncement. Nous pensons au TnBA que l’heure est venue d’interroger l’individu d’aujourd’hui pour mieux comprendre notre anthropologie contemporaine, à quel régime d’homme nous sommes attachés, vers quel rivage nous pouvons aller. Il n’y a pas de barques toutes prêtes ni de tenue amphibie qui nous attendent mais seulement les phares énigmatiques de silhouettes intellectuelles qui nous préviennent, aujourd’hui encore, de ce que sera demain. Écoutons les ! Parlons-en !
Guillaume Le Blanc
Philosophe
À 55 ans, le plus important des philosophes francophones marocains enseigne la philosophie arabe et la philosophie de la logique à l’université Paris-Est-Créteil-Val-de-Marne et mène en parallèle une intense production éditoriale, notamment avec Averroès (Les Belles Lettres 2004), Montaigne (Les Belles Lettres 2008) et L’identité, une fable philosophique (PUF 2011). Il a fait entrer la philosophie au Maroc en s’intéressant à des notions difficiles comme la laïcité et, avec rigueur, humour et liberté de ton, a pris position dans les débats qui animent le pays et dans lesquels, bien que résidant en France, il joue un rôle actif.
Ali Benmakhlouf publie en 2015 Pourquoi lire les philosophes arabes ? (Albin Michel). Il y décrypte l’histoire des idées avec un regard et un ton iconoclastes qui décrispent les codes. Il démontre que les penseurs arabophones du IXe au XIIe siècle ont livré au patrimoine commun de la philosophie des distinctions essentielles, tels Ibn Sina, connu sous le nom d’Avicenne, et Ibn Rushd, appelé en Occident Averroès. Lire les philosophes arabes médiévaux avec l'œil de la philosophie contemporaine pour y trouver des affinités de méthode et de doctrine : tel est le parti pris de ce livre. Lire ces philosophes, c'est aussi les inscrire dans la tradition et le patrimoine de l'humanité car ils ont su ménager des accès multiples à la vérité où religion et philosophie sont pensées de manière conjointe. Leurs travaux dans de nombreux domaines, comme la médecine, la logique ou l'histoire continuent de nous interpeller comme ils ont contribué à la formation de la pensée européenne.
Nous vous attendons nombreux à cette passionnante rencontre.
L’accès aux débats publics est libre ; vous pouvez effectuer votre réservation en ligne ou par mail à billetterie@tnba.org