La performeuse argentine se raconte avec kitch et fureur dans une pièce pour cinq danseurs, devenus extensions corporelles d’elle-même. Un autoportrait aussi extravagant que poignant.

Son corps ne répond plus. Opéré. Immobilisé. Fatigué de tant de sollicitations extrêmes. Voilà Marina Otero empêchée d’elle-même, à force de risques pris sur scène depuis ses débuts, dans les années 90. Comment poursuivre alors la pièce de sa vie, qui, depuis Andrea et Se rappeler 30 années pour vivre 65 minutes, répète les mêmes transes, dans un long recommencement autobiographique ? Puisqu’elle ne peut plus danser, elle le fera par le truchement de corps masculins dénudés et musclés, prêts à multiplier par cinq ses propres extravagances corporelles. Assise sur le côté de la scène, habillée de noir en veuve de sa propre jeunesse, elle les observe « prêter leurs corps à ma cause narcissiste ». Car, bien sûr, « la Otero » reste au centre de Fuck me, narratrice principale lancée dans des réflexions provocantes et sincères sur le vieillissement du corps, la perte (et l’entretien) du désir, et toujours un besoin tenace d’être en représentation. Couleurs flashy et chansons mélo inondent cette performance qui avance entre mise à nu de soi et humour grinçant. Comme si un Almodóvar de la première heure avait croisé Angélica Liddell. La performeuse argentine prouve, malgré les empêchements, qu’elle repousse toujours plus loin les frontières entre fiction et documentaire, improvisation et représentation. Cela ne manque ni de panache, ni d’émotion.